La première enquête de la surprenante policière Mariella De Luca, dans le Testaccio romain.
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Publié en 2003 aux éditions Le Passage, le deuxième roman de Gilda Piersanti, Italienne vivant à Paris depuis 1987 est le premier de son cycle des quatre saisons romaines, et est donc la première enquête (racontée) de Mariella De Luca, sa policière issue de l’Aquila pour venir se confronter au crime de la capitale, personnage que j’avais découvert il y a peu, avec plaisir, dans sa sixième intervention, « Roma Enigma », sur les conseils d’une consœur libraire estimée partageant le prénom de l’auteur.
Enquêtrice hors normes, à l’histoire personnelle et familiale complexe, qui se découvrira peu à peu, au fil des romans, Mariella De Luca est un de ces personnages policiers qui peuvent marquer la lectrice ou le lecteur, ambitieuse et douée, presque carnassière dans certaines de ses attitudes, quasiment poète et artiste dans d’autres circonstances.
Maniant joliment les codes du polar pour dérouter le lecteur comme l’équipe policière de ce faux procedural, Gilda Piersanti montre un indéniable talent pour faire vivre ce peuple romain bigarré et contrasté du quartier du Testaccio, ces enquêteurs madrés et bourrés d’idiosyncrasies très humaines et souvent charmantes, cette irruption, comme un chien possible dans un jeu de quilles bourrées de testostérone, de cette femme peut-être pas comme « les autres » (il y a un peu de la Mary Lester des premiers romans de la série de Jean Failler dans cette Mariella), cette subtile hésitation entre serial killer et meurtrier « ordinaire », pour conduire une exploration pleine de sous-entendus de recoins toujours fort douloureux de l’histoire italienne contemporaine, d’une manière sans doute beaucoup plus « neutre » (ce que j’aurais personnellement tendance à regretter) que certains de ses confrères transalpins nettement plus politisés dans leur écriture, ou à laquelle on pourrait à bon droit préférer celle fournie par la roborative Simona Tavianello de Serge Quadruppani.
Le lendemain de bonne heure, D’Innocenzo avait reçu l’appel du chef, le vicequestore Cacciolli, qui supervisait l’affaire de Testaccio. Le Dr Cacciolli, qui avait lui-même reçu l’appel du substitut du procureur, le juge Lauretti, lui annonça sans façon qu’il allait mettre sur l’enquête l’inspecteur principal De Luca, aux ordres du commissaire bien évidemment. « Elle est jeune, elle est futée, tu verras, ça te changera de Genovese et de Casentini ! Lauretti ne jure que par elle ! » avait-il ajouté de ce ton qui n’attend pas de réplique. D’Innocenzo n’avait pas fait de commentaires, mais il n’en pensait pas moins. Il n’aimait pas les changements, et ceux décidés par ses supérieurs encore moins que les autres.
Il avait ses habitudes, les inspecteurs Genovese et Casentini le connaissaient, savaient à chaque instant ce qu’il attendait d’eux, ils n’avaient pas besoin d’explications. Ce ne serait pas la même chose avec un nouveau, qui de plus serait une nouvelle !
« Encore une femme, pensa-t-il en pénétrant dans le café de Franco Rinaldi, elles sont partout en cette fin de siècle, et ce n’est pas le sang qui les arrête. On dit même, dans la police, qu’elles ont plus de couilles que les hommes ! » Peut-être bien, il n’était pas contre les femmes, lui, quoiqu’on raconte sur son compte. Seulement, voilà, les femmes demandent toujours des explications, c’est leur soif. Les mots, ça ne leur suffit jamais, et si on leur en donne un petit peu, elles en redemandent. On finit toujours, alors, par en lâcher un de trop.
Les femmes, il ne savait pas travailler avec, le commissaire.
Une lecture qui, au-delà du charme de cet hiver romain enneigé, donne envie d’un bout de chemin en compagnie de l’étonnante Mariella De Luca.
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