Étonnant équilibre de puissance d’évocation et de subtile fausse simplicité, une poésie contemporaine un peu magique.
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Publié en septembre 2014 au Nouvel Athanor, le deuxième recueil (à côté d’autres textes parus en revue) de Martine-Gabrielle Konorski fournit une excellente occasion de goûter à cette poésie subtile, à la fois très contemporaine et absolument sans âge, dont le préfacier Jean-Luc Maxence dit, avec une grande justesse :
Elle pose la question des relations humaines : « Que faire pour se rejoindre ? » Comment établir des ponts entre les êtres humains qui prétendent s’aimer ? Avec ces interrogations-là, elle aussi, « dans le dévissement du monde », demeure affamée de lumière. En cela, sa cible poétique est universelle. Elle représente peut-être une des voix qui adoucira notre relation au monde.
Ne voilant pas en effet la cruauté des vies et des situations, Martine-Gabrielle Konorski parvient à extraire des mots, que ce soit dans les trente-trois très courts poèmes de la première partie (« Je te vois pâle… ») ou dans les cinquante pages, minutieusement fragmentées, de la deuxième partie (« au loin »), usant d’une belle fausse simplicité, un peu de cette magie évocatoire qui fait trop souvent défaut à la poésie contemporaine, quand elle ne se réfugie pas dans un ésotérisme de mauvais aloi.
Ici, le mot résonne, et évite le plus souvent, grâce notamment à de magnifiques chutes textuelles qui savent prendre un air doucereux et redoutable de haïkai, les deux écueils, jumeaux maudits en poésie contemporaine, de la banalité plate et du mystère gratuit, pour composer une musique authentique, subtile, économe de ses notes et pourtant riche de sensation et d’intelligence, donnant aussi à lire, pouvoir de l’évocation, comme autant d’exergues possibles et bien vivants à tant de textes longs que l’on aime. . Une bien jolie découverte, fortuite pour moi qui ne suis pas un lecteur assidu de cette forme, mais qui donne nettement envie de se procurer le premier recueil de l’auteur, rare car longtemps accaparée par sa riche carrière professionnelle, « Sutures et saisons », publié en 1987.
En ouvrant la fenêtre
Jamais le songe n’embellira
Les paysages sombres
et leurs souffles glacés
Pas même une lumière suspendue
au clocher
ne deviendra la braise
d’une ligne céleste
Rien n’ouvrira l’espace
Restera le secret
d’une matinée sans bruit.
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On ne voit rien
On ne voit rien
de plus poignant
xxxxxxx que ces paroles légères
xxxxxxx posées à plat
sur un papier
criblé de tâches
On ne voit rien
de plus brûlant
xxxxxxxxx que la mort
xxxxxxxxx qui détruit l’instant
Il n’y a que le vent
xxxxxxxxx pour nous donner un peu de place
Lorsqu’autour de nous
xxxxxxxxx tout se glace
On ne voit rien.
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Pourquoi
Pourquoi ne faut-il pas
que l’on se dise Tu
Pourquoi ne faut-il pas
sangloter sous l’orage,
en se tenant les mains
s’allonger sur l’asphalte
et crier à tue-tête
pour faire venir la paix
Pourquoi vivre tout bas.
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