Entretiens passionnés du grand sociologue des sciences avec l’ex-philosophe du risque.
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Publiés en 2003 chez l’Aube, ces entretiens de Bruno Latour avec François Ewald transmettent le contenu d’une série d’émissions diffusée sur France Culture quelques mois auparavant. Le sociologue, anthropologue et épistémologue (même s’il rejette en général ce dernier terme dans son contexte français, lui préférant la notion anglo-saxonne moins restrictive de « science studies ») vient alors d’achever « La fabrique du droit – Une ethnologie du Conseil d’État », sa première incursion en force dans un champ distinct des « sciences dures », y étendant l’examen de la prétention à la méthode scientifique décortiquée dans ses travaux fondateurs, l’indispensable « La vie de laboratoire » (1979) et « Les microbes – Guerre et paix » (1984).
Soumis au crible du philosophe du risque devenu égérie libérale, Bruno Latour se livre avec ferveur, exposant et défendant, en combattant qu’il est (et en digne ancien émule de Michel Serres), les idées qui lui tiennent à cœur à l’époque, mûries au cours de presque vingt ans alors de recherches diverses : construction sociale des objets scientifiques bien entendu, mais surtout, face à François Ewald, conséquences politiques de l’extension du domaine du doute – tout en réfutant les accusations lapidaires de « relativisme » dont il est l’objet ces années-là.
Rigoureux et néanmoins audacieux, Bruno Latour propose dans un langage clair – demandant un effort conceptuel très raisonnable -, comme toujours, de tirer progressivement les conséquences d’une acceptation de la pluralité (de l’humain, mais aussi, déjà, du « non-humain ») en refondant et dissolvant les socles séculaires de la domination impériale. Entamant aussi à l’époque un rapprochement fécond avec la pensée d’Isabelle Stengers, fidèle à ses racines nourries notamment de l’enseignement de Michel Serres et des travaux de William James, le sociologue fournit aussi dans ces 60 pages une voix captivante en écho à la lecture de l’ambitieux et très réussi « Romanciers pluralistes » de Vincent Message, publié en cet automne 2013.
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