Le langage de la danse contemporaine de la peur administrée, redoutable et intense poésie.
RELECTURE
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Publié en 1999 aux éditions de l’Olivier, le premier texte de Patrick Bouvet inaugurait une œuvre poétique intense dédiée principalement, me semble-t-il, à la traque, à l’élucidation et à la mise en évidence de tout ce qui parcourt et irrigue le divertissement industriel contemporain, sous toutes ses formes, en une langue irradiée et capable à chaque instant de transfigurer et mettre en résonance les clichés véhiculés au kilomètre par le langage pré-digéré des médias et de l’art de la consommation.
Écrit plus de deux ans avant le 11 septembre 2001, ce premier texte frappait d’emblée avec une force cruelle, inscrivant, par sa mise en lumière du discours antiterroriste ordinaire, la « Politique de la peur » (2011) de Serge Quadruppani ou la « Zone de combat » (2007) d’Hugues Jallon au cœur de la machine médiatique, vouée à générer angoisse, contrôle et dérive / échappée dans la consommation, un an avant la nécessaire continuation dans l’imaginaire des forces spéciales (« Shot », 2000), et bien avant d’en traiter les composantes moins anxiogènes et plus directement divertissantes que seront notamment la mode (« Canons », 2007), le cinéma à grand spectacle (« Pulsion lumière », 2012) ou le rock starifié (« Carte son », 2014).
Une belle et glaçante acuité qui, comme le titre l’indique sans guère d’ambiguïté, explore aussi, en tout cas initialement, les possibilités d’actualisation poétique contenues dans les travaux de Guy Debord ou d’autres analystes du spectaculaire marchand, chocs culturels orchestrables que l’on retrouve par un autre angle dans « L’après-midi d’une terroriste » (2013) de Bruce Bégout.
« le risque zéro
ça n’existe pas »
une femme aurait traversé
les barrages
avec une arme à
feu
dans son sac
des scénarios de
détournement d’avion de
prise d’otages de
gaz toxiques dans le métro
ont été testés
mais
« le risque zéro
ça n’existe pas »
(il y a seulement
huit mille ans
le Sahara était couvert
de lacs et de prairies)
le système
de vidéosurveillance
fonctionne parfaitement
le système fonctionne
mais
une femme
aurait traversé
le Sahara
de la vidéosurveillance
vidéo
zéro
dans son sac
pourtant le système
fonctionne
parfaitement (le tombeau
millénaire d’Hébron est sous
vidéosurveillance)
c’est un mystère
une femme
une arme
dans son sac
une silhouette
sur la vidéo
un feu
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Discussion
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