La plus complète source en français sur le conflit irlandais depuis 1916.
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Publié pour la première fois en 1977 (c’était alors le premier ouvrage de l’auteur) chez Maspero, réédité et actualisé en 1992 chez Terre de Brume à Rennes, « La résistance irlandaise » du journaliste breton Roger Faligot, longtemps en poste à Dublin et à Londres, avant de devenir reconnu principalement comme spécialiste de l’investigation historique et contemporaine sur les services de renseignement dans le monde entier (notamment mais pas uniquement pour ses ouvrages en collaboration avec Rémi Kauffer), est encore à ce jour la principale et la plus complète source en français sur le conflit qui déchire l’Irlande, face au Royaume-Uni, depuis 1916.
C’est en regardant (enfin) le film de Ken Loach « Le vent se lève » (2006) – aussitôt accompagné d’un revisionnage de « Hidden Agenda » (1990) du même réalisateur – que j’ai exhumé de ma bibliothèque cet essai historique de 275 pages, acquis en 1992 lors d’une séance de dédicace au Festival Interceltique de Lorient, et stocké depuis, intact, en vue d’une lecture « ultérieure », me prouvant ainsi que, finalement, un livre acheté finit bien par être lu, fût-ce un peu en retard.
Histoire minutieuse en ce qui concerne ses données, ses citations et ses sources, il est cependant clair qu’elle est conduite d’un point de vue global extrêmement favorable aux indépendantistes dans un premier temps, puis aux combattants anti-britanniques de l’IRA (ou des IRAs, devrait-on dire) par la suite, même si les nombreuses erreurs, compromissions, palinodies et luttes internes stériles des mouvements de libération irlandais sont toutes abordées sans complaisance.
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Trois points m’ont semblé particulièrement saillants à la lecture :
– d’abord, comme l’illustrait magnifiquement Howard Zinn dans sa monumentale (et pourtant aussi digeste qu’enlevée) « Histoire populaire des États-Unis », toute lutte sociale a absolument besoin de cette mise en perspective dans la durée qui, seule, face à l’émotion instantanée et terriblement oublieuse des médias, permet de constater année après année la réalité de l’oppression, de la manipulation, du travail à la fois insidieux et implacable, de l’alternance entre paternalisme, concessions forcées et violence extrême (que les cellules spécialisées, ici, du MI5, du MI6, de la Special Branch et des SAS n’ont jamais hésité à faire amplifier et relayer par les parties les plus corrompues de la RUC et les plus extrémistes des mouvements clandestins orangistes) que le dominant politique et économique mène pour se maintenir en place (comme n’hésite pas à le condenser en un thriller très noir « Hidden Agenda ») ;
– ensuite, comme l’illustrent tant de luttes anti-coloniales (et comme le rappelle si bien « Le vent se lève »), l’entrechoquement permanent entre revendication nationale et revendication sociale constitue à la fois un moteur et un frein au succès espéré : à de nombreux moments de l’histoire irlandaise (comme de celle de nombreuses autres nations ayant eu à échapper à un joug colonial – quelle que soit la forme tactiquement adoptée par celui-ci, ou même les concessions arrachées, uniquement lorsque cela semble devenir urgent, comme en témoignent ces jours-ci les « possibilités d’autonomie accrue » concédées in extremis par le Royaume-Uni alors que le « Oui » au référendum sur l’indépendance écossaise semble progresser), les pouvoirs politico-économiques localement dominants ont bien souvent partie liée avec la puissance (ou ex-puissance) coloniale, et pèsent donc de tout leur poids pour rejeter dans l’ombre, ou pour bloquer les issues pacifiques, aux revendications les plus populaires qui seraient éventuellement à l’œuvre ;
– enfin, Roger Faligot utilisant un parallèle qui semblait audacieux en 1992, mais que les faits comme l’avenir – devenu présent depuis – ont largement corroboré, montrait que le véritable régime d’apartheid revendiqué (et de fait, mis en place) par les orangistes de l’Ulster, avec la bienveillance des Britanniques, à l’égard des catholiques, se montrait bien in fine le plus vulnérable – ou le plus sensible, si l’on veut être un peu moins cynique) – à un processus du type de celui mené par l’ANC de Nelson Mandela, jouant de plus en plus habilement au fil des années entre appel à l’opinion publique mondiale, revendication politique relativement pacifique, et lutte armée, défensive comme, plus rarement, offensive, et ce, même en l’absence du côté anglo-orangiste d’un leader, devenant éclairé une fois acculé, de la stature de Frederik de Klerk.
Une nouvelle édition, actualisée jusqu’en 2000, publiée en 2001, rendait bien compte de cette évolution justement anticipée par l’auteur.
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