Un étourdissant jeu de miroirs par deux maîtres du polar un peu oubliés aujourd’hui.
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Huit ans après les débuts de sa collaboration avec Michel Martens et sept ans après leur original « Derrick au poing », Jean-Pierre Bastid publiait en 1982 cette « Proie du serpent », roman policier d’excellente facture, fort injustement tombé dans un relatif oubli.
Un professeur d’ornithologie à l’Université, un inspecteur de police, un tueur au rasoir et une jeune fille très « white trash » et très décidée composent une complexe sarabande dans la ville de Besançon, où l’on devine par moments les sensations du « Septuor » de Claude Pujade-Renaud (2000) voire du « Festins secrets » de Pierre Jourde (2005).
« J’en reviens à la visite de l’inspecteur. Je suis incapable de bien le formuler, mais je me sens en tort ; je m’en veux de ne pas avoir joué avec lui à armes égales, j’ai trop « pris sur moi », comme on dit, et ne lui ai pas laissé la moindre chance. Bref, j’ai été trop fort et ma maîtrise me fait peur, je la ressens comme une faute et, au lieu de m’alléger, elle me pèse. Oui, quelque chose en moi exige plus de transparence et de vérité. »
« Tout cela pour en arriver à ce pétard mouillé. Pour un peu il me décevrait, le Javard, avec sa minable lapalissade. Je l’observe. Son air découragé, ses yeux tristes et cernés, ses joues creuses et qui tombent me font irrésistiblement penser à Droopy. Alors je me prends à penser que Droopy, malgré son air morne et apathique, est capable de faire preuve de ressources insoupçonnées. »
« Ah ! si le virus pouvait frapper une bonne femme ! Ça, ça serait bien, comme elle le raserait et le tailladerait, mon Lionel, comment qu’elle lui rafraîchirait la crinière ! Le dernier lion de l’Atlas avec le grand sourire kabyle d’une oreille à l’autre ! … Mais faut pas rêver. Nous les bonnes femmes, on n’est pas si sanguinaires… »
Introduit par des articles de journaux, cet étourdissant jeu de miroirs entre un journal écrit, secret, et un enregistrement débridé sur cassettes audio, réussit la prouesse d’un final touchant de près au meilleur Giono, d’ailleurs directement convoqué : « J’étais un roi. Privé de divertissement, je ne suis plus qu’un homme plein de misères. Sa tête à lui a pris les dimensions de l’univers. Moi, anéanti, que me reste-t-il à faire ? »
Un roman qui donne à nouveau clairement envie d’en lire d’autres du même auteur.
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