Curieux souvenir des rencontres entre une fillette et une vieille malade ostracisée. Envoûtant.
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Publiée en 1986 (et traduite en français en 2012 par Michel Volkovitch chez Quidam Éditeur), cette longue nouvelle de la Grecque Zyrànna Zatéli, dont le titre littéral serait « Avec grâce dans la nature sauvage », était sa deuxième œuvre, sept ans avant le roman de la consécration (« Le crépuscule des loups »).
Dans un petit village grec aux confins de la Thrace et de la Macédoine, une fillette raconte ses étranges visites auprès d’une vieille femme, Anatolie, affligée d’une maladie mystérieuse qui fait d’elle un personnage à la fois méprisé et redouté, presque tabou, au sein de la communauté. Une touche presque fantastique, toute en non-dits, où les souvenirs diffus de la fillette mêlent à loisir, en narguant la tentative du lecteur pour rationaliser cette expérience, innocence et dureté, réflexion sur l’ostracisme et sorcellerie instinctive.
Une poésie très concrète et curieusement efficace qui évoque aussi comme en écho « La porte » de la Hongroise Magda Szabo.
« Officiellement, Anatolie souffrait de tuberculose, galopante et pourtant inépuisable, ou peut-être d’une maladie encore inconnue, qui se ferait plus tard sa place au soleil, ou alors d’une autre très ancienne, mais sans nom précis. De toute façon, ce mal maudit et contagieux l’avait totalement isolée. Terrifiés, les autres l’évitaient ; elle les avait oubliés. Si elle s’en souvint brièvement, ce fut à cause de moi.
De temps à autre, ils avaient pitié d’elle, traversaient sa cour avec des prières et des formules secrètes, et déposaient sur le rebord de sa fenêtre une assiette de nourriture, qu’après avoir mangée elle replaçait au même endroit. Elle y laissait une noix ou un pruneau, une assiette vide étant signe d’ingratitude. Les autres, sans y toucher, jetaient le contenu dans sa cour – hantés par la peur d’être contaminés par un bout de fruit sec. Anatolie ramassait la chose et la remettait dans l’assiette, sans en ôter la terre ou les herbes. Eux la rejetaient encore, elle la remettait et ainsi de suite. Une espèce de dialogue – ou plutôt deux monologues, interminables et vains. »
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