Jaenada et sa famille échappent de justesse à un grand incendie de forêt. Il en tire ce grand roman.
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Philippe Jaenada renouvelle régulièrement la prouesse de réussir de grands romans, provoquant un rire authentique quasi-permanent durant la lecture, à partir d’un je-ne-sais-quoi et d’un presque-rien dont le seul contenu pourrait être affligeant d’insignifiance chez la plupart des autres écrivains.
« Plage de Manaccora, 16 h 30 », son sixième roman, paru en 2009 chez Grasset, reste mon préféré à ce jour. C’est ici qu’il atteint son sommet dans cette tentative de montrer à quel point le cerveau humain, nourri de culture générale, d’histoire personnelle, d’idées, de sentiments, de passions, peut produire un invraisemblable monceau de pensées, vagabondes ou non, en quelques instants, et ce, quelle que soit la situation ou l’ampleur de la crise à un moment donné.
Fondé sur une aventure réellement vécue par l’écrivain et sa famille (à savoir se retrouver pris dans un gigantesque incendie méditerranéen lors de vacances en Italie du Sud), ce roman en constitue la démonstration hilarante, servi par ces phrases à rallonge et ces digressions imbriquées dans jusqu’à quatre niveaux de parenthèses qui servent désormais souvent d’heureuse marque de fabrique à Philippe Jaenada.
« Je suis resté quelques secondes horrifié (gourde hypnotisée, je dois reconnaître – mais on ne peut pas m’en vouloir), prenant véritablement conscience de la monstruosité de l’ennemi qui se déployait : des kilomètres de feu féroce contre nous, toute une région enflammée qui se dressait contre nous, petites personnes. (Je me demandais combien de petites personnes à la traîne avaient déjà été tuées là-bas, étaient restées au-delà de la frontière de feu qui avançait, et noircissaient maintenant dans le brasier – je ne savais pas, peut-être pas une, peut-être dix ou cinquante. La vieille en noir, sûrement, recroquevillée et grésillante. D’autres. Où était Tanja ?) La horde brûlante progressait en ligne incurvée pour couper une fuite éventuelle par la forêt, nous cerner et nous rabattre, nous coincer au bord de la mer, nous étouffer. Mais il y avait peut-être une issue juste là, deux mètres plus haut : s’il s’agissait effectivement d’un parking (il en fallait bien un, on ne parcourt pas des kilomètres à pied avec glacière et parasol pour aller jouer à la balle dans une crique – si ?), une route y menait, des voitures y stationnaient – tout ce qu’il faut pour se sauver. C’était, sans mélo, notre dernière chance. »
Ce qu’en dit ma collègue et amie Charybde 7 est ici. L’entretien dans le Magazine Littéraire à propos de ce roman est là.
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