Plus calme que « Chamamé », une fable radicalement oppressante néanmoins.
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Publié en 2008 (et premier roman de l’auteur traduit en français, en 2011, grâce aux exploratrices éditions Asphalte), « Golgotha » peut se lire comme une sorte de contrepoint, chez l’Argentin Leonardo Oyola, du baroque, exubérant et déjanté « Chamamé », écrit à peu près à la même époque.
Ici, pas de zone frontalière de non-droit livrée aux cavalcades insensées des braqueurs, mais la routine oppressante des grandes banlieues argentines, et de leurs zones de cohabitation entre indigence profonde, simple survie et criminalité galopante.
Lorsqu’une jeune femme meurt des suites d’un avortement clandestin ayant mal tourné, entraînant le suicide de sa mère, c’est, pour un jeune policier – pourtant parfaitement au fait de tous les codes plus ou moins tacites régissant les rapports entre forces de l’ordre et bandes criminelles armées de la « cité » – LA goutte d’eau de trop… Décidant de châtier lui-même le responsable, un chef de gang particulièrement emblématique, il déclenche une vendetta inexorable, dont la solution ne pourra venir que du narrateur lui-même, son mentor, vieux policier blanchi sous le harnais, désabusé et usé, qui devra assumer, au fond de lui, ses propres échecs comme ceux de l’ensemble de la société argentine contemporaine, tenu qu’il est par les formes d’honneur et de fidélité qui ont cours ici…
Au milieu des atmosphères de bars rock latino où coexistent parfois plusieurs mondes, une fable plutôt calme en apparence, mais terrible en fait, et ce bien avant sa dure conclusion.
« Ce n’est jamais moi qui commence. Ce n’est pas moi non plus qui viens y mettre un terme. Je m’en mêle rarement. Encore moins depuis que j’approche de la retraite. Quelle merde ! J’ai fermé les yeux. Je suis allé me coucher après avoir regardé « El hombre del rifle » comme tous les soirs et lorsque je les ai rouverts… j’avais cinquante ans. À quel moment mon grog s’est transformé en vin et le vin en sang du Christ, un sang amer ? Je n’arrive pas à calculer combien de temps je suis resté comme un moribond. Je ne peux pas non plus jurer qu’aujourd’hui, je suis bien vivant. Parce que ce n’est pas une vie. Je suis un zombie. »
Ce qu’on en dit chez Moisson Noire est ici, ce qu’en dit Éric Bonnargent dans l’Anagnoste est là.
Pour acheter le livre chez Charybde, c’est ici.
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