Une vie de chien finit au fond d’une crevasse, nimbée d’une surprenante poésie de l’écrasement.
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Publié en janvier 2012 chez Quidam Éditeur, le premier roman de Pierre Terzian utilise une langue malicieusement familière et dotée pourtant d’une précision hors du commun pour nous conter, en monologue à la deuxième personne, l’histoire simple d’un homme décalé, inadapté, qui ne peut entrer dans le monde (école, travail, famille) tel qu’il est proposé, et qui se met à doucement dériver, vivant de peu ou simplement survivant, dans les environs interlopes de Pigalle, au hasard des métiers à peine avouables, des déconvenues fréquentes et des rares mais précieuses chances et opportunités.
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C’est au fond d’une crevasse (où en effet il « crève ») d’un glacier de Chamonix, devenu au fil des années sa surréaliste « destination de vacances », depuis qu’il est surveillant dans un collège, que cette vie, ses fugitives beautés, ses innombrables incompréhensions et ses duretés subies mais au fond assez efficacement mises à distance, défilent, dans le fameux flash, sans qu’à aucun moment l’horreur pourtant manifeste ne l’emporte vraiment. Comme un pas si lointain cousin des héros urbains de Jean-Marc Agrati, auxquels la poésie et le grain de folie garantissent le plus souvent une paradoxale résistance face à l’écrasement tenté (et en apparence réussi) par le monde…
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« Maintenant c’est presque passé, t’as cinquante ans, c’est toi qui fais peur. Quand tu les poses sur quelqu’un, tes yeux résonnent comme deux grottes abandonnées. On voit bien que t’as rigoureusement tout avalé.
Tu ressembles à quelqu’un qui se réveille tout juste d’un cauchemar. Pas encore tout à fait sûr d’être en vie.
Sous tes airs fossiles, tu es sans cesse aux aguets. La peur est ton éveil. C’est la seule secousse de tripes que tu connais par coeur. C’est comme un don. Ce que tu sais faire de mieux. Avoir peur. Tu te sens bête. Traqué. Plusieurs fois par jour tu sens que tu vas mourir.
Même la première fois que t’as bandé, t’as cru que t’avais peur. »
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La photographie ci-contre (une crevasse dans le massif de Chamonix) est en licence Creative Commons, par Richard Allaway.
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De superbes lectures de ce livre, que j’ai découvert d’abord grâce au premier numéro de l’excellente revue « Le chant du monstre », puis avec la lecture qu’en fit Romain Verger lors de la soirée « Spéciale Quidam » à la librairie Charybde en février 2013, sont disponibles : celle de Claro sur son Clavier Cannibale, celle d’Éric Bonnargent sur l’Anagnoste, ou encore celle de Marc Villemain sur son blog.
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Pour acheter le livre chez Charybde, c’est ici.
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Discussion
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