Avec son cinquième tome, le cycle s’approfondit et se raffine encore.
x
Cinquième volume du cycle du « Rêve du Démiurge », paru en 2003 dans la collection Imagine chez Flammarion, « Nuit de colère » marque l’inscription définitive du cycle dans un fantastique moderne, dans lequel d’occasionnels pouvoirs paranormaux sont mis à contribution pour démêler l’écheveau des passions de chacun.
Les personnages ici, qu’ils se rattachent au tout premier tome (« L’ombre d’un soldat ») ou au pivot « Mélusath », luttent au milieu de terribles difficultés pour qu’amour et amitié triomphent des pulsions de mort et de passé écrasant qu’ils portent en eux.
« Nuit de colère » est aussi le plus sombre volume de la série, jusqu’ici. La rédemption y est plus tardive et plus incertaine que dans les précédentes histoires…
« Puis elle reprend, en tendant son visage au soleil : « Le théâtre, c’est le mensonge élevé à la perfection du cristal. Il ne renie pas sa nature : au contraire, il la revendique. Mais c’est pour cela qu’il est pure vérité. Plus il affiche ses artifices, ses masques, ses trompe-l’œil, plus il révèle l’immuable de l’homme. » «
« Parfois, il aimerait savoir encore pleurer. A cause de la solitude où il s’emmure ; mais aussi de la médiocrité qu’il trouve en eux. Lorsqu’il pénètre les forêts de leurs esprits, il s’occupe d’abord de neutraliser les vrilles mentales qu’ils tendent vers lui. Ensuite, le temps qu’ils réagissent, il explore leur paysage intime. Les premiers temps, il a été surpris : il y a rencontré des bosquets plus verts, plus luxuriants, des torrents plus sauvages que chez les enfants de la secte. Pourtant, les vraies règles lui sont vite apparues : des arbres alignés, des champs creusés de sillons, des rivières endiguées dans les parpaings ; bref, une rigueur autre, mais tout aussi sévère. (…) Partout, il retrouve cette soumission à un ordre supérieur, adulte sans doute, mais au sens tyrannique du terme. »
Francis Berthelot profite aussi de ce volume pour poursuivre, à travers la figure d’un grand écrivain et conférencier, une captivante analyse des ressorts charismatiques du pouvoir et de la domination, en un écho trouble au Dan Simmons de « L’échiquier du mal ».
Et l’exergue de René Char (dans « La parole en archipel ») est très à propos, comme toujours : « Échapper à la honteuse contrainte du choix entre l’obéissance et la démence, esquiver l’abat de la hache sans cesse revenante du despote contre laquelle nous sommes sans moyens de protection, quoique étant aux prises sans trêve, voilà notre rôle, notre destination, et notre dandinement justifiés. »
Ce cinquième tome impose le cycle du Démiurge comme l’une des plus attachantes et jouissivement bizarres des aventures romanesques contemporaines. Le tome 2 de l’intégrale vient de paraître (mars 2017) en co-édition Le Bélial / Dystopia, sous une somptueuse couverture de Laurent Rivelaygue, aux côtés des tomes 4 (« Le jeu du cormoran ») et 6 (« Hadès Palace »).
Sur la page consacrée au livre sur noosfere, ici, on trouvera trois très intéressantes notes : celle de Bruno Para, celle de Jean-Pierre Lion parue originellement dans Bifrost, et celle de Daniel Conrad, parue originellement dans Galaxies.
Pour acheter le livre chez Charybde, c’est ici.
x
Discussion
Rétroliens/Pings
Pingback: Note de lecture : « Bibliothèque de l’Entre-Mondes (Francis Berthelot) | «Charybde 27 : le Blog - 4 juillet 2018