Bel exercice de poésie décalée, parfois joliment hermétique, sur les îles obscures du monde entier.
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Paru en 2009 en Allemagne, et récompensé du prix du « plus beau livre de l’année », publié en français en 2010 chez Flammarion dans une traduction d’Elisabeth Landes, cet atlas n’en est pas un, mais une forme de construction littéraire, qui peut évoquer le magnifique « Last and Lost » des éditions Noir sur Blanc.
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Judith Schalansky a recensé, de manière joliment subjective, une cinquantaine d’îles réputées «abandonnées» (mais pas nécessairement désertes), dans le monde entier, fournissant pour chacune une carte dessinée à la main, à la manière des ouvrages du XIXème siècle, et une anecdote, écrite pour l’occasion ou tirée de quelque récit ancien, créant ainsi un livre d’une étonnante poésie…
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« Dans le journal de bord sont rigoureusement consignés les travaux de maintenance du chef mécanicien et les niveaux d’huile et d’essence des différentes machines. Mais l’ultime mention se joue des colonnes, on a marqué au stylo rouge : 23 novembre 1996. Aujourd’hui, réception de l’ordre d’évacuation. Ai vidangé les conduites et arrêté le générateur diesel. La station est… Le dernier mot est illisible. » (Ile Solitude, Russie)
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« En 1962, les Français de la première mission sur l’île en baptisent le massif septentrional du nom du plus fameux fabricant de rêves que leur nation ait jamais produit. Désormais, portent le nom de Jules Verne une chaine de monts escarpés sur cette île et un cratère de la face cachée de la Lune… » (Ile de la Possession, France)
« Chaque année, le Department of Conservation néo-zélandais envoie pour douze mois un collaborateur sur cette île, à cela près inhabitée. Neuf volontaires l’épaulent les mois d’hiver ou d’été, et restent chacun un maximum de six mois. Mais : « Tout le monde n’est pas fait pour vivre sur une île aussi isolée que Raoul », observe le Department dans sa brochure d’information. » (Ile Raoul, Nouvelle-Zélande)
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Un avant-propos de quelques pages, fort bien écrit, explique la nature du projet de cette jeune Allemande, et la manière dont elle a procédé. Et comme l’ajoute Olivier de Kersauson dans sa préface : « Les îles abandonnées sont comme toutes les îles des bateaux immobiles. Une façon d’être sur la mer sans être obligé de travailler ; un bateau que l’on ne commande pas, et qui permet d’être un navigateur paresseux. Mais celles-là n’ont ni capitaine ni habitants. Morceaux de roche ou de corail découverts par hasard, visités parfois, rarement habités, souvent désertés. Est-ce les hommes qui ne voulaient plus d’elles, ou elles qui ne veulent pas des hommes ? » Un livre fascinant, donc, aux anecdotes mystérieuses qui, dans leur dépouillement et leurs ellipses, évoqueront tour à tour Jules Verne, en effet, William T. Vollmann ou encore Albert Sanchez Piñol…
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Merci pour cet article à rêver. J’étais prêt à craquer, mais supposant que c’est l’auteur qui figure sur la photo (non légendée !…), j’arrête net. Je n’aime pas les collectionneuses de cadavres !
K.-G. D.
Merci. C’est en effet une photo de l’auteur (sa photo de presse allemande, en fait), désolé pour l’absence de légende (qui me semblait en effet, sans doute à tort, aller de soi). Je comprends votre réaction, même si c’est dommage que ces papillons morts vous détournent de ces îles paradoxalement vivantes…