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Notes de lecture 2013

Note de lecture : « Fissions » (Romain Verger)

Écriture de précision, noirceur inégalée ancrée dans l’ordinaire faussement blafard.

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Fissions

Publié en 2013 chez le toujours étonnant Vampire Actif, le quatrième roman de Romain Verger confirme le singulier talent de l’auteur pour créer, dans un cadre initialement quotidien, voire banal (des douleurs de dos de « Zones sensibles » au mariage à préparer de ces « Fissions », en passant par la tranquille mission scientifique de « Forêts noires »), des récits autres, étrangers, authentiquement inquiétants, où la raison du lecteur semble glisser, accompagnant le doute, puis l’angoisse, des protagonistes, pour basculer in fine dans une folie cauchemardesque dont on ne s’échappe pas.

Création d’un climat paysan séculaire aussi lourd que madré que ne renierait pas le Pierre Jourde de « Pays perdu » ou même de « Festins secrets », quête acharnée de bonheur ordinaire qui résonne avec le Philippe Annocque du formidable « Liquide », indices troublants pointant vers une fêlure de l’axe du monde, sur laquelle le narrateur ne peut justement mettre le doigt, mais que l’on sent croître, comme nous en régalent certaines des plus sombres nouvelles de Mélanie Fazi, Romain Verger déploie ici un art tout en densité, télescopant avec minutie les quêtes illusoires de légèreté mises en œuvre par des personnages que guette à chaque instant le poids d’un regard passé, et les failles présentes, proprement infernales, où ils vont s’abîmer, qu’elles soient simplement esquissées ou, dans ces « Fissions » plus que jamais auparavant, gravées dans la souffrance de la chair.

«Qu’ont-ils fait de nous, Noëline, qu’ont-ils fait de toi ? Peut-on mieux dévoiler l’amour à ceux qui s’y destinent qu’en les séparant comme on tranche les siamois, en taillant dans la chair et brisant l’os iliaque, dans le vif des deux, en dédoublant le mal, en répliquant la nuit ? Pour te retrouver, te voir, je suis du bout des doigts les nouveaux traits de mon visage, cette page de braille qu’est devenue ma face : arêtes, séracs, fissures, escarpes, l’exact calque en trois dimensions de ce pays montagneux dans les plis contractés duquel a couvé notre union. Il ne nous aura guère fallu une vie entière pour qu’à l’image de ces couples que de longues années de vie commune façonnent l’un en miroir de l’autre, nous en venions à nous confondre.»

Ce qu’en dit ma collègue et amie Charybde 7 est ici. Ce qu’en dit Nébal est . Ce qu’en dit Céline Righi dans l’Anagnoste est là-bas.

Pour acheter le livre chez Charybde, c’est ici.

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À propos de Hugues

Un lecteur, un libraire, entre autres.

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