Remarquable exploration dickienne des postérités psychiques du flower power.
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Publié en 2005 et traduit en français en 2013 par Sarah Guilmault aux excellentes éditions Asphalte, le quatrième roman de Tommaso Pincio poursuivait l’exploration conduite trois ans plus tôt dans « Un amour d’outremonde », en la portant à un rare niveau d’acuité, et en accentuant avec bonheur l’hommage implicite à Philip K. Dick, l’un des écrivains fétiches de l’auteur.
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Poursuivant donc cette quête de l’impact psychique de la civilisation contemporaine « digérant » les mouvements socio-politiques (même inavoués) du passé, Tommaso Pincio délaisse le grunge post-punk des années 90 et sa pop culture déjà presque totalement assimilée – et rendue inerte – pour revenir à une source souterraine majeure, celle du flower power, et tout particulièrement celle de « l’été de l’amour » à San Francisco, avec ses ramifications ultérieures, survivant un temps à l’échec aussi orchestré qu’auto-administré, à Amsterdam ou sur des plages asiatiques. Une jeune femme ordinaire d’aujourd’hui, une hippie emblématique de 1966 et un étrange jeune homme, mathématicien n’utilisant fréquemment pas de voyelles, dessinent ainsi un incroyable périple, entre trois espaces-temps, 1966, 2005 et un lieu hors limites, métaphorique en diable, plat enchaînement de villes poussiéreuses culminant à Cloaca Maxima, le pays des usines à excréments… jusqu’aux accélérations finales de la narration et à leurs révélations.
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Un « Au bout du labyrinthe » revisité avec un formidable brio contemporain et une ambition socio-politique bien déterminée.
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« Vous voulez être libres, vous voulez être heureux, vous cherchez quelque chose sans savoir vous-même de quoi il s’agit. Des choses que vous ne pourrez pas avoir, des choses que vous savez que vous ne pourrez jamais avoir. Mais pas seulement. Vous refusez aussi. Oui, vous vous refusez vous-mêmes. Vous agissez contre vos propres intérêts. Vous vous laissez envahir par l’angoisse, vous pensez être fous et vous êtes prêts à tout foutre en l’air pour rien. Et en plus, comme vous êtes de véritables têtes de con, miros comme des taupes et têtus comme des mules, vous faites en sorte de vous imposer un semblant de discipline. Vous vous fiez à des inventions qui n’ont pas de sens. Des trucs abstraits qui n’existent pas en vrai. Lois, états de droit, ordres constitués. Codes de comportement et codes moraux. Sens commun et significations. Economie de marché. Mais le produit le plus absurde de votre peur sans fondement du désordre, c’est la poussière. Oui, la poussière, vous avez bien entendu. Cette poussière dont vous vous plaignez tant, c’est vous qui l’avez voulue. »
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Ce qu’en dit joliment ma collègue et amie Charybde 7 est ici, ce qu’en dit avec émotion mon autre collègue et amie Charybde 1 est là, ce dernier lien vous permettant en plus d’acheter le livre chez Charybde.
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Discussion
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