Passionnante reconstruction de la vie de Durruti à travers documents d’époque et entretiens avec les acteurs survivants.
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En 1972, alors qu’il est surtout jusque là connu comme poète et comme essayiste politique, Hans Magnus Enzensberger publie ce « roman » : la vie de l’anarchiste espagnol Buenaventura Durruti (1896-1936), traitée uniquement à partir de témoignages, écrits, récits, journaux et entretiens réalisés (pour certains) spécialement pour le projet.
Les seules interventions directes de l’auteur sont huit « gloses », brèves dissertations historiques disséminées au long de l’ouvrage, permettant notamment de resituer les spécificités de la puissante CNT-FAI durant la Guerre Civile espagnole, et d’analyser les raisons de son échec in fine…
Hans Magnus Enzensberger en profite lucidement pour rappeler, à travers des articles de journaux d’époque, à quel point les démocraties libérales des années 1930 étaient bien davantage prêtes à s’accommoder du « brun » fasciste (qui ne touchait guère au capital) que du « rouge » (ou du noir anarchiste), mais aussi à quel point le communisme soviétique maniait déjà, avec un cynisme consommé, la realpolitik comme un art martial.
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« Après les élections de 1934, Francisco Ascaso parla lui aussi, aux côtés de Durruti : « Il paraît que nous avons vaincu ! Mais que s’est-il passé en réalité ? Les partis de gauche ont gagné les élections, mais les affaires sont, après comme avant, aux mains de la bourgeoisie réactionnaire. Si nous laissons à cette bourgeoisie la liberté de ses mouvements, il n’y aura pas de victoire électorale qui tienne, car dans ce cas les partis de gauche seront obligés de pratiquer, eux aussi, une politique de droite. » »
Un « roman » passionnant de bout en bout, nourri d’un étrange effet de réel et de distance à la fois, du fait de la méthode de récit utilisée.
On trouvera aussi dans « La Capitana » d’Elsa Osorio, beau roman biographique consacré à la militante et combattante Mika Etchebéhère, affiliée plus ou moins informellement au P.O.U.M. à l’époque, un intéressant témoignage sur la « décence ordinaire », pour reprendre évidemment l’expression de George Orwell, pratiquée par les anarchistes de Durruti, à la profonde différence de leurs « frères d’armes » staliniens.
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Rétroliens/Pings
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