Poésie de guerre et de séduction entre une moderne Méduse et un ghost-sniper désenchanté.
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Ce court roman de 2004, publié chez Verticales, est sans doute l’un des plus expérimentaux et des plus attachants de Claro, montrant aussi à quel point il est aussi à l’aise dans la forme (relativement) courte, comme ici, que dans la forme presque monumentale (« Livre XIX » ou « CosmoZ »), lorsqu’il s’agit d’explorer ce qu’il résonne de contemporain dans les mythologies anciennes ou modernes.
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Deux protagonistes, un sniper méthodique quoique légèrement psychotique, et une Méduse moderne à la chevelure serpentine et au regard stupéfiant, s’ignorent, se courtisent et s’affrontent autour d’un bunker abandonné d’une plage normande…
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« Ainsi vivait Méduse : chaque matin, avant de se brosser les cheveux, elle prenait soin de nourrir les mille neuf cent vingt-huit serpents qui frétillaient sur son crâne. Elle les appelait par leur nom – Thorium, Argon, Rubidium, Strontium, Cadmium, Titane, Hélium,… -, leur prodiguant quelques paroles flatteuses puis, à tâtons, glissait une mouche morte dans chacune de leurs gueules. La digestion était immédiate. Quand leurs sifflements bilingues n’évoquaient plus qu’une inoffensive fuite de gaz, elle pouvait alors tenter d’ordonner la faune qu’était sa tignasse – enfant, Méduse enfouissait son visage dans des fourmilières et comptait jusqu’à cent, lèvres serrées, yeux clos, et de cette apnée monstrueuse elle tirait un semblant de jouissance. »
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« Après avoir fait le tri dans ses souvenirs, le ghost-sniper les effaça presque tous et en arriva à la conclusion suivante : Nos mères ont cessé d’être nos mères, nos pères ont cessé d’être leurs époux, les fils ont renié leurs sœurs, les sœurs ont oublié les frères, il ne reste plus entre nous qu’un vague cousinage, cessons de nous voir, arrêtons de nous parler, et promettons de ne pas nous reconnaître si d’aventure il advenait que la société nous brasse et nous redistribue dans la même main – sinon, coupons cette main. »
Bonheur des mots, fulgurance des concepts jetés selon une orchestration minutieuse, alternance des registres de langage (les énoncés scientifiques sur l’animal méduse sont d’une troublante beauté…),… du Claro typique, dans la réinvention permanente, pour 150 pages d’abîmes.
Il faut lire ce qu’en disait fort habilement Mademoiselle le 6, avant de partir vers de nouveaux destins éditoriaux.
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