Une somme bienvenue sur le plus grand poète finlandais contemporain.
Francophile décidé, traducteur en finlandais de Baudelaire, Reverdy, Ponge, Claude Simon ou encore Le Clézio, Pentti Holappa, également calme militant de la cause homosexuelle, est en général considéré comme le plus grand poète finlandais contemporain.
Bien que le recueil titre (« Les mots longs ») soit de 1980, l’anthologie proposée par Poésie Gallimard (dont un bref extrait figurait dans l’habile « Il pleut des étoiles dans notre lit », extraits de poésie scandinave publiés à l’occasion du prix Nobel de Tomas Tranströmer) couvre 17 recueils, du « Un bouffon dans la galerie des glaces » de 1950 au « La voix de l’éléphant » de 2003.
Comme le rappelle Gabriel Rebourcet dans sa préface, Pentti Holappa maîtrise à la fois une formidable culture classique, un extraordinaire historique proprement finlandais, tant « savant » que « populaire », et met en œuvre une formidable volonté de dire : « Humble jardinier des mots, il va donc jusqu’au bout de ses tâches : le poète monte même à bord du traîneau du réalisme socialiste, et tente de rendre à l’ancienne poésie du peuple ses lettres de noblesse, avec une certaine réussite, et surtout un entêtement touchant. (…) Il cultive la démarche rationnelle, cartésienne, jusqu’à l’instant où il libère la force de la nature afin qu’elle vienne frapper son château de mots, dans une sorte de rage subitement libérée, par l’effet d’un mystère incontrôlable – cette combinaison de fureur et de mystère donne à son écriture une ampleur et une force en tous points comparable à celle de René Char. »
Une révélation pour moi, donc.
« Pour une mère les débris de l’océan suffisent, l’écume
et le sable, car elle est tout entière au désir de faire
naître,
les possibles s’unissent en matière désormais vivante
non plus par son ventre mais par la force de sa volonté.
Elle est la mère de Lemminkainen, la femme vêtue
de noir des tragédies antiques, et dans les cortèges
elle crie le nom des combattants pour la liberté d’aujourd’hui
défiant les charges de police et les gaz lacrymogènes,
mais sous d’autres habits elle est un des bourreaux,
criminelle complice du procréateur ploutocrate,
ourdissant les mensonges sur l’égalité. Telles sont
les fables modernes sur les princes et les princesses.
Responsable de l’absurdité de sa descendance elle aussi
voit s’effondrer les hautes voûtes des cathédrales,
les chefs d’œuvre de Léonard et de Picasso périssent
dans les flammes de la bibliothèque d’Alexandrie.
Les déformations cellulaires provoquées par les déchets
industriels sont la chair vivante des enfants, leur avenir.
Veillant seule, quand la foule aguerrie dort déjà,
elle cherche sa consolation dans la paix universelle
puisqu’elle sait que dans les accélérateurs de particules
les cours closes de la matière s’ouvrent en tunnel béant. »
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