En pleine misère et colère, dans l’Oakland d’aujourd’hui, une curieuse solidarité du quotidien.
Le quatrième roman d’Eric Miles Williamson, paru en 2009, publié en français ces jours-ci de 2011 chez Fayard, dans une traduction d’Alexandre Thiltges, grâce au formidable travail de l’éditrice Lilas Seewald, est une claque de grande magnitude.
La quatrième de couverture donne une idée très juste de ce dont il s’agit : « États-Unis, de nos jours. T-Bird Murphy, la quarantaine, fils d’immigrés irlandais, se terre dans un box de parking. On le soupçonne d’un crime qu’il n’a peut-être pas commis. Incarnation du quart-monde occidental, T-Bird écrit sa rage. Un long monologue intérieur, animé par les figures de son passé, qui vient tromper sa solitude et mettre des mots sur la violence de l’exclusion. »
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Le style rageur et précis éclate à lui seul en prouesse : « Tu peux me croire, je vis pas ici par choix artistique ou ROMANTIQUE, comme ces écrivains qui frayent avec LE PEUPLE dans les bas-fonds parce qu’ils ont besoin d’un sujet intéressant, ces touristes au grand cœur des entrailles de l’humanité. Écoute-moi bien : je suis pas de la catégorie de ces tapettes bourrées de thunes qui font de l’art parce que c’est SYMPA de traîner avec LE PEUPLE (…), aux snobs condescendants dans leur genre qui écoutent leurs conneries, alors qu’au fond ils se foutent royalement de la petite pute de quinze ans complètement défoncée qui pleurniche devant le journaliste remonté à bloc, plein de COMPRÉHENSION et de COMPASSION. Moi, je suis pas de ces tapettes qui boivent du vin et mangent des sushis, qui se battent pour des causes dont ils ne savent absolument rien (…) et portent des pompes de sécurité parce que c’est BRANCHÉ, alors qu’elles n’ont jamais vu la couleur du béton ou du bitume brûlant, qui s’achètent des jeans délavés et déchirés ou boivent de la Bud parce que c’est COOL, et pas parce que c’est tout qu’ils peuvent se payer. »
Le vrai tour de force toutefois consiste sans doute pour Eric Miles Williamson à nous faire partager un profond sentiment de solidarité, d’espoir ténu, parfois dérisoire mais parfois grandiose, au milieu de la misère, de la colère et de l’absurdité d’une société qui réduit plus que jamais les gens en choses. Un livre magnifique. Et dur.
Sans le côté simplement désespéré du « Rafael, derniers jours » de Gregory McDonald, et sans la reconstruction poétique du « Corps à l’écart » d’Elisabetta Bucciarelli, qui traitent tous deux également avec brio de cette déchéance apparemment toujours plus nécessaire au capitalisme contemporain.
Ce qu’en dit très bien ma collègue et amie Charybde 7, c’est ici. Ce qu’on en dit avec enthousiasme sur Encore du Noir, c’est là.
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Rétroliens/Pings
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