Une poésie plus subtile que celle du Murakami Haruki tardif, dans une étonnante fable fantastique.
Enfin traduit en français en 2011 chez l’immense Picquier par Corinne Atlan, chaleureusement recommandé par un lecteur vorace et distingué, ami de Scylla, et par mon collègue Charybde 4 lui-même (« elle-même »), le premier roman d’Isaka Kôtarô mérite largement un détour sur des terres proches de celles du Murakami Haruki de « Kafka sur le rivage » , tout en en étant subtilement différentes. Le parcours initiatique d’un jeune informaticien japonais, transporté brutalement sur une île « secrète » coupée du reste du pays depuis le début de l’ère Meiji sert de toile de fond à une interrogation profonde sur les relations entre Japon et Occident, à une réflexion intense sur le rôle social de chacun au sein d’une communauté, à une mise en perspective rusée de l’amitié et de l’amour, et même à une semi-parodie du policier psychopathe que ne renierait pas le Kitano Takeshi de la grande époque.
« Je me suis souvenu qu’elle disait : « La vie, c’est comme un escalator. Même quand on est arrêté, on avance sans s’en rendre compte. À partir du moment où l’on est dessus, on ne peut que continuer à avancer. Le point d’arrivée est d’ores et déjà fixé et l’escalator nous y emmène, qu’on le veuille ou non. Seulement, personne ne s’en rend compte. (…) Alors ma grand-mère a répliqué innocemment, l’air de ne pas y toucher : « Je ne vois pas à quoi ça rime, de laisser le passage libre d’un côté pour ceux qui sont pressés d’arriver. » »
« Je me sentais aussi lamentable qu’un champion de marathon qui se retrouve en queue de peloton. « Le chat grimpe à l’arbre parce qu’il cherche un endroit d’où bien voir l’arc-en-ciel. Voilà pourquoi il monte à l’arbre à l’approche de la pluie. Il cherche à avoir une meilleure vue sur l’arc-en-ciel. » »
« « Quand il y a une suite, généralement, les mensonges commencent à s’en mêler. » C’est ce que m’a dit ma grand-mère en sortant du cinéma où on avait été voir ensemble Alien 2. (…) À sa façon de s’exprimer ce jour-là, j’ai conclu qu’elle avait pris Alien, le premier film de la série, pour une histoire vraie. »
Une réussite éclatante, qui fait espérer que sans tarder, les précieuses éditions Picquier vont entreprendre la traduction de plusieurs autres des onze romans de l’auteur…
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Je viens de finir ce beau roman et partage votre avis : je l’ai en effet trouvé très réussi et lirai certainement les autres romans de Isaka Kôtarô.
« Pierrot-la-gravité », son deuxième roman traduit en français pour l’instant, est tout à fait intéressant, mais je l’ai trouvé moins puissant que « La prière d’Audubon ».