Note de lecture : « CLEER » (L. L. Kloetzer)

Une percée réussie dans l’univers fantasmatique des cadres de haut niveau…

Situant leur roman paru en 2010 dans un univers quasi-contemporain, Laure et Laurent Kloetzer ont réussi une véritable prouesse, inégalée en langue française ces dernières années, et seulement approchée auparavant par Iain Banks dans Le Business (ou dans The Steep Approach to Garbadale, inédit en français)  : communiquer, fût-ce sous une forme par moments quasi-fantasmagorique, le psychisme, le sentiment, le moteur intime des consultants modernes de très haut niveau, ou des « hauts potentiels » des actuelles « entreprises totales ».

Avec une grande légèreté néanmoins, et une présence fine, subtile, insidieuse, nous suivons les premiers mois de « travail » de deux recrues au sein de CLEER, gigantesque conglomérat du « nouveau capitalisme » dont la devise est « Be Yourself ». À travers les véritables enquêtes économiques, psychologiques ou « bureaucratiques » auxquelles sont confrontés Vinh et Charlotte, nouveaux membres du département « Cohésion Interne », nous entrevoyons ce qui fait vibrer et ce qui tente, au sens faustien du terme, les « meilleurs des mercenaires », au-delà de la « simple » quête d’argent et de pouvoir.

La manière feutrée dont sont également mobilisées, au service de visées quasiment transcendantes et pourtant très manipulatrices, les sciences comportementales et le « soft control » du design, des lumières d’ambiance, du confort et de l’élégance, rapproche aussi, avec cette même capacité à laisser paraître le glacial sous le diaphane, ce travail de ceux de Hugues Jallon, « Zone de combat » et « Le début de quelque chose ».

L’objet-livre initial, le grand format publié chez Lunes d’Encre, conçu par Daylon, est magnifique, et en pleine résonance avec le contenu. Un livre étonnant et une grande réussite !

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La note de lecture sur « Zone de combat » est ici, et celle sur « Le début de quelque chose » est là.